Capsaïcine

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Capsaïcine
Image illustrative de l’article Capsaïcine
Identification
Nom UICPA (E)-8-Méthyl-N-vanillyl-trans-6-nonénamide
Synonymes

(E)-N-(4-hydroxy-
3-méthoxybenzyl)
-8-méthylnon-6-énamide;
trans-8-méthyl-N-vanillylnone
-6-énamide;
(E)-capsaïcine

No CAS 404-86-4
No ECHA 100.006.337
No CE 206-969-8
Code ATC M02AB01
FEMA 3404
SMILES
InChI
Apparence Poudre blanche, sans odeur [réf. nécessaire]
Propriétés chimiques
Formule C18H27NO3  [Isomères]
Masse molaire[1] 305,411 9 ± 0,017 4 g/mol
C 70,79 %, H 8,91 %, N 4,59 %, O 15,72 %,
Propriétés physiques
fusion 65 °C [2]
ébullition 210 à 220 °C[réf. nécessaire]
Solubilité Faiblement soluble dans l'eau.
Soluble dans l'alcool, l'éther,
le benzène, l'acétone et le chloroforme[réf. nécessaire].
Point d’éclair 112,18 °C[réf. nécessaire]
Précautions
SIMDUT[3]
D1B : Matière toxique ayant des effets immédiats graves
D1B, D2B,
NFPA 704

Symbole NFPA 704.

 
Directive 67/548/EEC[réf. nécessaire]
Toxique
T


Transport
-
      
Écotoxicologie
DL50 47,2 mg·kg-1 (souris, oral) [2]
0,4 mg·kg-1 (souris, i.v.) [2]
9 mg·kg-1 (souris, s.c.) [2]
6,5 mg·kg-1 (souris, i.p.) [2]
> 512 mg·kg-1 (souris, peau)[2]

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

La capsaïcine (8-Méthyl-N-vanillyl-6-nonénamide) est un composé chimique de la famille des alcaloïdes, composant actif du piment (Capsicum). C’est un irritant de l’épithélium des cellules des mammifères ; il produit une sensation de brûlure dans la bouche, ce qui peut être considéré comme un élément gustatif intéressant. Du point de vue biologique, ce composé permet aux fruits, et donc aux graines de la plante qui les produit, d'être moins exposés à la prédation ; de plus, contrairement aux mammifères, les oiseaux ne sont pas sensibles à son effet, ce qui favorise la dispersion des graines par des agents plus mobiles[4]. La molécule est classée parmi les métabolites secondaires.

Histoire[modifier | modifier le code]

Cet alcaloïde a été découvert et isolé en 1816 par le pharmacochimiste allemand Christian Friedrich Bucholz, et fut appelé capsaïcine par L. T. Thresh[5]. En 1878, E. Hogyes, un médecin hongrois, démontra que celui-ci cause non seulement un effet d'irritation en bouche, mais aussi augmente la sécrétion de liquide gastrique. La capsaïcine fut synthétisée pour la première fois en 1930 par E. Spath et F. S. Darling. En 1958, la dihydrocapsaïcine fut découverte et nommée capsaïcine 2[6].

En 1961, d'autres alcaloïdes similaires furent isolés du piment par les chimistes japonais S. Kosuge et Y. Inagaki, qui créèrent la famille des capsaïcinoïdes[7],[8].

Capsaïcinoïdes[modifier | modifier le code]

Il existe plusieurs capsaïcinoïdes, présents en différentes quantités dans le piment rouge. La capsaïcine est le composé majoritaire du piment rouge avec la dihydrocapsaïcine. Ces deux composés sont deux fois plus puissants en goût que les autres capsaïcinoïdes (nordihydrocapsaïcine, homodihydrocapsaïcine et homocapsaïcine). Ces capsaïcinoïdes, qui sont présents en différentes quantités dans différentes espèces de capsicum, ont des profils temporels irritants différents[8],[9]. Cela compte pour l’action retard de C. chinense (habanero) comparé aux autres espèces.

Les capsaïcinoïdes ont la caractéristique d'activer les récepteurs de chaleurs de la peau, d'où la sensation de brûlure, alors qu'il n'y a pas d'augmentation de température.

Caractéristiques des capsaïcinoïdes naturelles.
Capsaïcinoïde Concentration
typique[9]
Échelle de Scoville Structure chimique
Capsaïcine
(8-méthyl-N-vanillyl-6-nonénamide)
69 % 15 000 000
à 16 000 000[10]
Chemical structure of capsaicin
Dihydrocapsaïcine
(8-Méthyl-N-vanillylnonamide)
22 % 15 000 000 Chemical structure of dihydrocapsaicin
Nordihydrocapsaïcine
(7-Méthyl-N-vanillyloctamide)
7 % 9 100 000 Chemical structure of nordihydrocapsaicin
Homodihydrocapsaïcine
(9-Méthyl-N-vanillyldécamide)
1 % 8 600 000 Chemical structure of homodihydrocapsaicin
Homocapsaïcine
(trans-9-Méthyl-N-vanillyl-7-décénamide)
1 % 8 600 000 Chemical structure of homocapsaicin

Utilisation[modifier | modifier le code]

Nourriture[modifier | modifier le code]

À cause de la sensation de brûlure, la capsaïcine est couramment utilisée dans les produits alimentaires pour ajouter de l’épicé ou « pseudo-chaleur » (piquant). Le degré de chaleur (SHU) est mesuré par l’échelle de Scoville. La capsaïcine est le composé le plus irritant (15 000 000 SHU), comparé à la pipérine (piquant du poivre) et au [6]-gingérol le principe piquant du gingembre.

Valeur de Scoville d'autres molécules naturelles.
Composés Échelle de Scoville
(Unités Scoville)
Source alimentaire
Capsaïcine 16 000 000[10] Piment
[6]-Shogaol 160 000[11],[12] Gingembre
Pipérine 100 000[11],[12] Poivre
[6]-Gingérol 60 000[11],[12] Gingembre

Typiquement, la capsaïcine est obtenue en utilisant du piment, ce qui est préférable pour des raisons de sécurité à la capsaïcine pure. Elle est soluble dans le gras plutôt que dans l’eau, ce qui explique que boire un verre d’eau apporte peu de soulagement tandis que le lait, le beurre ou des crèmes glacées sont efficaces.

La capsaïcine est également utilisée dans les boissons appelées « alcools sans alcool » ou « liqueurs sans alcool ». La première personne qui a utilisé cette méthode était Reynald Vito Grattagliano, un inventeur qui a travaillé sur un projet de spiritueux sans alcool de 2007 à 2011 offrant aux consommateurs une alternative[13].

Médical[modifier | modifier le code]

La capsaïcine est depuis quelques décennies l'un des moyens de réaliser des modèles de douleur neuropathique chronique chez l'animal[14]. En effet il est maintenant largement démontré que cette molécule devient neurotoxique (destruction nerveuse) en fonction de sa concentration et de la durée d'exposition d'un tissu avec la molécule. Les mécanismes antalgiques sont complexes et les domaines d'utilisation très nombreux en termes de modèles expérimentaux[15]. Le passage de l'utilisation d'une molécule neurotoxique à l'utilisation médicale reste pour le moment une alternative d'exception réservée aux centres d'évaluation et d'étude de la douleur. Actuellement, le traitement des douleurs neuropathiques par la capsaïcine reste expérimentale et n'est pas encore une alternative thérapeutique à la neurostimulation de la moelle épinière[réf. souhaitée] .

La capsaïcine est utilisée dans des crèmes locales pour soulager la douleur nerveuse périphérique et même certains prurits (démangeaisons) violents. Le traitement typique implique parfois l’application d’un anesthésiant jusqu’à ce que la zone soit engourdie. Ensuite, la capsaïcine est placée par un thérapeute portant des gants de caoutchouc et une protection sur le visage. Le patch cutané à la capsaïcine reste sur la peau pendant une heure (30 minutes sur les pieds) avant d'être retiré. On peut utiliser des poches de glace ou des sacs réfrigérants pendant l'application afin de limiter la sensation douloureuse de brûlure. Les nerfs pourraient être dominés par la sensation de brûlure et ne pourraient plus communiquer la douleur pendant une longue période. Cette alternative thérapeutique dans le traitement des douleurs neuropathiques n'est cependant pas sans conséquences (risque de brûlures [16]) et est déconseillée par la revue Prescrire[17].

Les pommades et bains pour le soulagement des muscles douloureux contiennent souvent de la capsaïcine sous la forme d’un extrait huileux listé parmi les ingrédients sous des noms comme « oléorésine de capsicum ».

Dans le domaine ORL il est montré que la capsaïcine en spray nasal entraîne une diminution significative et à long terme des symptômes de la rhinite perannuelle non allergique et non infectieuse[18].

La capsaïcine inhibe la croissance d'Helicobacter pylori[19],[20].

La capsaïcine contribue à bloquer le cancer de certaines cellules du poumon ou de la prostate par apoptose[21].

La capsaïcine est notamment utilisée dans le médicament Zostrix pour soulager des prurits violents, les douleurs arthritiques et certaines douleurs neuropathiques chroniques[22].

Arme non létale[modifier | modifier le code]

La capsaïcine est aussi l’ingrédient actif dans le vaporisateur de gaz poivre pour contrôler les émeutes. Les gouttelettes provoquent une douleur vive en contact avec la peau, en particulier celle des yeux ou d’une membrane muqueuse. Se référer à l’échelle de Scoville pour la comparaison avec les autres sources de capsaïcine.

Une société commerciale, Guardian-angel, a mis au point un petit pistolet de défense contenant deux cartouches de capsaïcine.

En grande quantité, la capsaïcine peut être un poison mortel. Les symptômes d’une dose excessive comprennent la difficulté de respirer, la cyanose et les convulsions[23]. Bien que la grande quantité nécessaire pour tuer un adulte humain et la faible concentration dans les piments rendent un empoisonnement accidentel très peu probable, la capsaïcine a été impliquée dans certains cas d’infanticide[24],[25],[26],[27].

Dopage[modifier | modifier le code]

La capsaïcine peut être utilisée en applications sur les jambes des chevaux, sous forme de pommade ou de lotion. Chez l'homme, elle a des propriétés antidouleur (l'application est douloureuse, l'effet antidouleur survient un ou plusieurs jours après), mais elle provoque une sensation de brûlure chez les chevaux. Leurs jambes sont alors plus sensibles et ils ont tendance à sauter plus haut pour éviter de heurter les obstacles. Cette pratique est formellement interdite en compétition et la capsaïcine est un produit interdit par la Fédération équestre internationale [28].

Mécanisme d’action[modifier | modifier le code]

Les sensations de brûlures et les douleurs associées à la capsaïcine résultent de l'activation des neurones sensoriels des bourgeons gustatifs. La capsaïcine se lie au récepteur membranaire vanilloïde sous-type 1 (TRPV1). Ceci induit une dépolarisation de la membrane plasmique par entrée calcique et sodique.

La capsaïcine active le TRPV1 car elle est un analogue structurel des métabolites d’acides linoléiques oxydés (en anglais, oxydized linoleic acid metabolites d'où l'acronyme OLAM), substance endogène synthétisée lors de brûlures.

Régimes[modifier | modifier le code]

La consommation de capsaïcine stimule la production de deux hormones, l'adrénaline et la noradrénaline. En 2014, une méta-analyse retrouvait un possible effet sur la réduction de poids par une réduction de la prise de calories durant le repas suivant la prise de 2 mg de capsaïcine[29], cependant, les études analysées sont hétérogènes et de faible niveau de preuve.

Autres effets[modifier | modifier le code]

Euphorie[modifier | modifier le code]

La consommation d’une grande quantité de capsaïcine provoque l’émission d’endorphines et une sensation de plaisir ou une « euphorie »[30].

Insecticide[modifier | modifier le code]

La capsaïcine possède également des propriétés d'agent antibactérien[31] et d'insecticide[32].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. a b c d e et f (en) « Capsaïcine », sur ChemIDplus, consulté le 9 février 2009
  3. « Capsaïcine » dans la base de données de produits chimiques Reptox de la CSST (organisme québécois responsable de la sécurité et de la santé au travail), consulté le 24 avril 2009
  4. (en) J. J. Tewksbury et G. P. Nabhan, « Directed deterrence by capsaicin in chilies », Nature, vol. 412, no 6845,‎ , p. 403–404 (DOI 10.1038/35086653).
  5. (en) J. King, H. Wickes Felter, J. Uri Lloyd (1905) A King's American Dispensatory. Eclectic Medical Publications (ISBN 1888483024)
  6. (ja) S. Kosuge, Y. Inagaki et K. Uehara. (1958) Chemical Constitution of the Pungent Principles. Nippon Nogei Kagaku Kaishi (J. Agric. Chem. Soc.), 32, 578-581.
  7. (ja) S. Kosuge, Y. Inagaki, H. Okumura (1961). Studies on the pungent principles of red pepper. Part VIII. On the chemical constitutions of the pungent principles. Nippon Nogei Kagaku Kaishi (J. Agric. Chem. Soc.), 35, 923-927. (en) Chem. Abstr. 1964, 60, 9827g.
  8. a et b (ja) S. Kosuge, Y. Inagaki (1962) Studies on the pungent principles of red pepper. Part XI. Determination and contents of the two pungent principles. Nippon Nogei Kagaku Kaishi (J. Agric. Chem. Soc.), 36, p. 251
  9. a et b (en) DJ Bennett and GW Kirby (1968) Constitution and biosynthesis of capsaicin. Journal of Chemical Society, 442-446.
  10. a et b (en) MA Cliff and H Heymann (1992) Time–intensity evaluation of oral burn. J. Sens. Stud., 8, 201–211. DOI 10.1111/j.1745-459X.1992.tb00195.x
  11. a b et c (en) S Narasimhan and VS Govindarajan (1978) Evaluation of spices and oleoresin-VI-pungency of ginger components, gingerols and shogoals and quality. International Journal of Food Science & Technology 13 (1), 1–36. DOI 10.1111/j.1365-2621.1978.tb00773.x
  12. a b et c (en) VS Govindarajan, S Narasimhan, B Rajalakshmi and D Rajalakshmi (1980) Evaluation of spices and oleoresins - Correlation of pungency stimuli and pungency in ginger. Zeitschrift für Lebensmitteluntersuchung und -Forschung A, Volume 170(3), p. 200-203 DOI 10.1007/BF01042540
  13. (en) « An American Self Made Scientist Has Invented a Drink That Eliminates Hangovers », sur Digital Journal.
  14. (en) Ilona Obara, Ryszard Przewlocki et Barbara Przewlocka, « Local peripheral effects of μ-opioid receptor agonists in neuropathic pain in rats », Neuroscience Letters, vol. 360, no 1,‎ , p. 85–89 (ISSN 0304-3940, DOI 10.1016/j.neulet.2004.01.056, lire en ligne, consulté le )
  15. « Find your institution », sur id.elsevier.com (consulté le ).
  16. [1]
  17. « Capsaïcine en patchs (Qutenza°) - un médicament à écarter des soins », sur prescrire.org (consulté le ).
  18. Se pimenter le nez pour manger mieux ?
  19. « Capsaicin as an inhibitor of the growth of the gastric pathogen Helicobacter pylori »(en).
  20. (en) Yiwei Xiang, Xiaolin Xu, Ting Zhang et Xianli Wu, « Beneficial effects of dietary capsaicin in gastrointestinal health and disease », Experimental Cell Research, vol. 417, no 2,‎ , p. 113227 (DOI 10.1016/j.yexcr.2022.113227, lire en ligne, consulté le )
  21. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4811481/
  22. « Les autres crèmes anesthésiantes - www.pharmasante.org », www.pharmasante.org,‎ (lire en ligne, consulté le )
  23. « La capsaïcine à haute concentration »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur neurologies.fr, (2011).
  24. Tara Brady, « Woman 'killed boyfriend's two-year-old daughter by force feeding her chilli as a punishment' », sur Mail Online, (consulté le ).
  25. (en) Colin Schultz, « Too Much Chili Powder Or Black Pepper Can Kill Kids », sur Smithsonian Magazine (consulté le ).
  26. « Two-Year-Old Girl Dies From Eating A Hot Chili Pepper », sur inquisitr.com (consulté le ).
  27. (en) « Why You Should Never, Ever Eat The World's Hottest Pepper », sur HuffPost, (consulté le ).
  28. (en) FEI, « 2022 Equine Prohibited Substances List »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?) [PDF], sur inside.fei.org, (consulté le ).
  29. S Whiting, EJ Derbyshire et B Tiwari, « Could capsaicinoids help to support weight management? A systematic review and meta-analysis of energy intake data. », Appetite, vol. 73,‎ , p. 183–8 (PMID 24246368, DOI 10.1016/j.appet.2013.11.005)
  30. Uma Sharma, Alyssa Pagano, « What happens to your brain and body when you eat a hot pepper », sur Business Insider (consulté le ).
  31. (en) Xiaochi SuZhuang YangKok Bing Tan, « Preparation and characterization of ethyl cellulose film modified with capsaicin », Carbohydrate Polymers,‎ (DOI 10.1016/j.carbpol.2020.116259, lire en ligne)
  32. (en) Yann Blake, Daubresse-Chasle Gwendal et Loïc Emmanuel, « Alleviating methods of the irritant effects of Capsaicin on humans and investigation of the efficiency of its other effects : antioxidant and insecticide. », ResearchGate,‎ (lire en ligne)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]