Kogi

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Kogi
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Hommes Kogi tenant leurs poporos, objet rituel remis aux hommes pour marquer leur passage à l'âge adulte.

Populations importantes par région
Population totale 16 000 (2018)
Autres
Langues Kogui
Ethnies liées Tayronas, Arhuacos, Wiwa

Les Kogis (koʊɡi), Koguis[1], ou Kagabas[2],[3] sont un peuple amérindien de Colombie.

Histoire[modifier | modifier le code]

Les Amérindiens Kogis (Koguis ou Kagabas) vivent depuis plus de 500 ans dans la Sierra Nevada de Santa Marta[4], principalement dans les vallées des ríos Don Diego, Palomino, San Miguel et dans le nord du Caraïbe colombien[1], sur un territoire qui s'étend du niveau de la mer à 0 à 5 770 mètres d'altitude. Leur langue est le kogui ou « kawguian » et appartient au complexe linguistique Chibcha, tout comme les langues des autres peuples de la Sierra Nevada[5].

Ils sont les descendants des Tayronas, qui furent repoussés dans les montagnes par les invasions des Karib vers la fin du premier millénaire[6].

En 2018, 16 000 kogis ont été recensés[7], principalement des agriculteurs possèdant quelques animaux, principalement des porcs et des vaches.

Subissant l'hostilité de groupes armés illégaux en Colombie[8] et après le désarmement de , le peuple kogi continue d'être victime d'agressions de la part de ces groupes[9].

Économie[modifier | modifier le code]

Un Kogi au premier plan regardant des touristes dans la Sierra Nevada de Santa Marta.

Les Amérindiens Kogis vivent quasiment en autarcie économique et intellectuelle. Seuls les villages les plus facilement accessibles ont des contacts réguliers avec l'État (écoles et services de santé). Certains membres de leur communauté, sur proposition de l'État colombien, vendent du café équitable, mais cette proposition a été rejetée par la majorité afin de se protéger du monde occidental industrialisé. L'État colombien a rarement tenu ses promesses de protection concernant leur espace. Ils sont aussi victimes de l'exploitation minière à grande échelle par d'importantes entreprises[10].

Société[modifier | modifier le code]

Les chamanes, ou plutôt les Mamos (autorités spirituelles masculines) et les Sagas (autorités spirituelles féminines) « disposant du savoir », sont considérés comme des conseillers suprêmes lors des choix importants que les Kogis doivent faire dans leur vie personnelle (mariage, culture, vie dans la communauté) et valident toute décision primordiale pour l'avenir des Kogis. Hormis les Mamos et Sagas, il n'y a pas de hiérarchie, chaque personne étant importante, ainsi celle qui coud a autant de valeur que celle qui écoute ou que celui qui cultive[11]. En dehors des décisions majeures qui nécessitent la consultation des Mamos et Sagas, toute décision n'est prise que lorsque chacun s'est exprimé, de l'enfant au vieillard. Les Kogis peuvent consacrer beaucoup de temps à la réflexion et aux longues discussions — qui ont souvent lieu durant la nuit — avant la prise d'une décision qui, parfois, demande jusqu'à trois semaines de pourparlers. En effet, une décision ne doit léser personne[12][source insuffisante] (Éric Julien, La mémoire des possibles).

Spiritualité[modifier | modifier le code]

Pour les indigènes vivant dans la Sierra Nevada de Santa Marta, ces montagnes représentent le « cœur du monde ». Ainsi, la Sierra Nevada de Santa Marta maintient l'équilibre spirituel et écologique de toute la planète. La mythologie des Amérindiens Kogis conte qu'ils sont les « frères aînés » de l'humanité. Les étrangers, en particulier ceux d'Occident, sont appelés les « petits frères ». La légende veut que ces petits frères aient été bannis, autrefois, du cœur du monde à cause des infractions qu'ils ont commises. Ils doivent donc poursuivre leur route et subir les châtiments de leurs méfaits[13].

Leurs rituels et traditions sont caractérisés par un rapport très fort et très sensitif à la Terre. Ils se sentent encore de nos jours « gardiens de la Terre » qui est au cœur de leur culture. Ils peuvent, selon leurs dires, percevoir les lieux où la Terre est « vivante » et ceux où elle est morte. « … notre loi d'origine est née des principes spirituels qui ont donné naissance à la Terre Mère, Sé Nenulang. Elle et le Père Sezhankua, au moment de la création, ont laissé aux quatre peuples — Kagaba, Pebu (Arhuaco), Wiwa et Kalkuama — un ensemble de normes de vie. L'accomplissement parfait de ces règles dans le territoire est ce qui nous permet d'assurer notre permanence en tant que cultures différentes et la stabilité de tout le système de la nature"[réf. nécessaire]. » Les Kogis fondent leur mode de vie sur la croyance de « Se », l'énergie spirituelle originelle qui contient la force et la connaissance pour créer tout et organiser le monde, de laquelle émergera le Père spirituel de l'origine (« Jate Se ») et la Mère spirituelle de l'origine (« Jaba Se »), leurs premières figures créatives[14] qui engendreront à leur tour « Aluna », monde spirituel et de la pensée. La Terre Mère, Sé Nenulang, est considérée comme un corps humain, où les sommets enneigés représentent la tête ; les lagunes des páramo (plateaux semi-désertiques), le cœur ; les rivières sont les veines brisées ; les couches de terre, les muscles ; et les herbes, des poils. Les Kogis considèrent la terre comme un être vivant et voient les mineurs, les bâtisseurs et ceux qui polluent l'environnement comme des ennemis de la Grande Mère[15]. Pour les Kogis, certains points spéciaux de l'univers matériel et en particulier de la Terre (les sites sacrés ou « eizhuamas ») sont interconnectés et connectés au monde spirituel par un réseau de fils invisibles (« Shikwa »)[16], un peu comme les méridiens d'acupuncture en médecine chinoise. Un des rôles des Mamas et Sagas est de soigner ces « fils » et sites sacrés dont les interconnexions sont d'une incroyable complexité[17]. Les Kogis pensent que la « ligne noire », un de ces fils qui délimite leur territoire est l'une des artères de la Terre Mère, est en péril, ce qui affaiblit la planète[18].

Les garçons deviennent adultes et commencent à consommer de la coca quand on leur remet leur poporo (objet symbolique de l'état d'adulte procréateur).

Soutiens[modifier | modifier le code]

Plusieurs organisations non gouvernementales soutiennent les Koguis et contribuent à porter leurs messages. On peut notamment citer l'association française, nommée « Tchendukua, Ici et Ailleurs », créée à la fin des années 1990 pour racheter les terres volées aux Kogis afin de les leur restituer, l'ONG « La Semilla » qui contribue à la reconnaissance, la préservation et la diffusion de la culture Kogui[19] et l'association « Tayrona Heritage Trust » créée par Alan Ereira (en), par ailleurs réalisateur des documentaires From the hearth of the world et Aluna (en)[20][réf. non conforme]. L'association qui les représente légalement en Colombie est « Gonawindúa », appartenant au Resguardo Kogi Malayo Arhuaco, reconnue par l'association des réserves indigènes de la Colombie et l'État colombien[21],[10].

Galerie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « Peuples Amérindiens », sur peuplesamerindiens.com, Peuples Amérindiens (consulté le ).
  2. (es) « Chibcha » [PDF], sur ling.fi (consulté le ).
  3. Tchendukua, Ici et Ailleurs, « Préserver le savoir des femmes Kagabas (Kogis) », sur helloasso.com, HelloAsso, (consulté le ).
  4. Éric Wastiaux, « Les peuples des montagnes. Les Indiens Kogis - Sierra Nevada, Colombie », sur tv5monde.com, TV5 Monde, (consulté le ).
  5. (es) La lengua kogui. Fonología y morfosintaxis nominal, Ortiz Ricaurte, Carolina (2000), Lenguas Indígenas de Colombia, una visión descriptiva, Bogotá, Instituto Caro y Cuervo.
  6. (en) The Pre-Columbian Era, U.S. Library of Congress.
  7. (es) Población indígena de Colombia, Resultados del censo nacional de población y vivienda 2018, DANE, 2019.
  8. (es) « Diagnóstico de la situación del pueblo indígena Kogui » [PDF], sur derechoshumanos.gov.co, .
  9. « Colombie : Des indigènes dénoncent l'invasion et l'agression paramilitaire », sur bolivarinfos.over-blog.com, .
  10. a et b (es) « Produce y exporta su café excelso y sabiduría ancestral », sur productosdeldesarrolloalternativo.wordpress.com, .
  11. Michel Perrin (ethnologue), Le Chamanisme, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1995.
  12. ARTE Émission sur le trésor rendu aux Kogis.
  13. Quentin Dechezlepretre, « Dossier d'Éthique Économique » [PDF], sur ethique-economique, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, (consulté le ).
  14. (es) Consejo Territorial de Cabildos indígenas de la Sierra Nevada, 2015, p. 8.
  15. « Chez les indiens Kogis : Terre mère », sur France Culture.
  16. Livre « SHIKWAKALA, El Crujido de la Madre Tierra », 2018.
  17. (en) Parra Witte et Falk Xué, « Living the Law of Origin: The Cosmological, Ontological, Epistemological, and Ecological Framework of Kogi Environmental Politics », thèse de doctorat, University of Cambridge,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  18. Jean-Claude Vignoli, « Les Kogis, ou comment survivre face à la modernité lorsqu'on valorise la tradition », sur Lost Highway, (consulté le ).
  19. « La semilla – Une graine pour changer le monde » (consulté le ).
  20. (en-GB) Feast Creative | http://feastcreative.com, « Tairona Heritage Trust », sur www.taironatrust.org (consulté le ).
  21. (en) Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones, « Economic and Social Council », informe United Nation,‎ .

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (es) Reichel-Dolmatoff, Gerardo (1950–1) : Los kogi: una tribu de la Sierra Nevada de Santa Marta, 2 volumes. Bogotá: Editorial Iqueima (nueva edición 1985, Bogotá: Procultura).
  • Fischer, Manuela y Konrad Th. Preuss (1989): Mitos Kogi. Quito: Abya-Yala.
  • (es) Davis, Wade (2010) El río, Fondo de Cultura Económica/El Ancora editores, 3e ed. Bogotá. El capítulo II contiene una descripción de la cultura Ika y de la cultura Kogui.
  • Éric Julien, Le chemin des neuf mondes : les Indiens Kogis de Colombie peuvent nous enseigner les mystères de la vie, Paris, Albin Michel, , 288 p. (ISBN 2-226-12807-7 et 978-2226128072).
  • Éric Julien et Gentil Cruz, Kogis : le réveil d'une civilisation précolombienne, Paris, Albin Michel, , 357 p. (ISBN 2-226-15432-9 et 978-2226154323).
  • Éric Julien (dir.) et Muriel Fifils (dir.), Les Indiens kogis : La mémoire des possibles, Arles, Actes Sud, , 267 p. (ISBN 978-2-7427-7046-5).
  • Éric Julien, Voyage dans le monde de Sé. Nouvelles découvertes sur les Indiens Kogis, Albin Michel, 2014.
  • Éric Julien, Le choix du vivant. 9 principes pour manager et vivre en harmonie, co-écrit avec Marie-Hélène Straus, Les Liens qui libèrent, 2018.
  • Kathy Dauthuille : Tisserand du soleil, réédition revue, corrigée et illustrée, Les Éditions du Puits de Roulle, 2013 (ISBN 978-2-919139-59-0). Conte poétique en hommage aux Kogis qui vivent dans la sierra de Colombie.

Vidéographie[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]